Le bilan de compétence est-il la nouvelle thérapie du travail?Introduction : et si se reconvertir, c’était aussi se réparer ?

La multiplication des burn-out, des envies de reconversion, ou encore des vagues de « grande démission » montre une réalité criante : notre rapport au travail est en crise. Fatigue, désengagement, perte de sens ou sentiment de dévalorisation ne sont plus des exceptions mais des symptômes répandus.

Face à cette détresse professionnelle, le bilan de compétences se présente souvent comme une réponse : un outil pour changer de voie, retrouver sa place ou redonner du sens à son parcours. Mais au-delà de son rôle classique d’orientation, n’y aurait-il pas dans ce dispositif une fonction plus profonde, presque thérapeutique ?

Dans cet article, nous interrogeons cette dimension méconnue du bilan de compétences, en croisant approches psychologiques, systémiques et témoignages de terrain. Peut-il contribuer à soigner les blessures liées au travail ? Peut-il aider à se reconstruire ? Est-ce encore un simple outil RH… ou déjà un espace de réparation ?

Le travail : lieu de souffrance et de quête de sens

Quand le travail blesse : symptômes d’un malaise généralisé

Selon l’INRS, près d’un salarié sur deux déclare ressentir un stress important lié à son activité. Burn-out, bore-out, brown-out : ces néologismes sont les marqueurs contemporains d’un rapport au travail devenu pathogène. Entre surcharge, manque de reconnaissance, conflits de valeurs ou isolement, le travail peut devenir un lieu d’épuisement, voire de fracture.

Au-delà du stress, beaucoup témoignent d’une perte de sens. Ce n’est pas seulement le rythme ou la charge qui usent, c’est l’impression que ce qu’on fait ne sert à rien ou ne correspond plus à ce que l’on est.

Le besoin de relecture existentielle

Dans ce contexte, la question professionnelle devient un miroir de la question existentielle : « Qu’est-ce que je fais là ? », « À quoi je sers ? », « Est-ce que je me trahis en continuant ? ».

Le bilan de compétences s’inscrit souvent dans ce moment-charnière. Il devient un espace d’arrêt, de recul, de relecture, une pause qui permet de remettre à plat un vécu professionnel parfois chaotique ou douloureux. Ce qui se joue n’est pas seulement de l’ordre de l’orientation, mais de la réappropriation de son histoire professionnelle – un processus proche, en bien des aspects, d’une démarche thérapeutique.

Le bilan de compétences : un outil d’orientation ou un espace d’élaboration ?

Sa fonction officielle : un accompagnement encadré

Créé dans les années 1990, le bilan de compétences est un dispositif encadré par le Code du travail, permettant à tout actif (salarié, indépendant, demandeur d’emploi) de faire le point sur ses compétences, ses motivations et son projet professionnel. Il est souvent financé via le CPF (Compte Personnel de Formation).

Officiellement, il vise à :

  • Identifier ses savoir-faire et savoir-être,

  • Clarifier ses aspirations,

  • Construire un projet professionnel réaliste et adapté au marché.

En apparence, rien de thérapeutique ici. On est dans le domaine de la gestion de carrière, des compétences transférables, des tests et de l’employabilité.

thérapie du travailUne fonction officieuse : un lieu de réparation ?

Et pourtant, ceux qui pratiquent le bilan au quotidien le savent : ce qui se joue dépasse souvent le cadre RH. Les bénéficiaires arrivent avec des récits chargés d’émotions, de conflits internes, de blessures liées à des expériences professionnelles difficiles.

Le bilan devient alors un lieu de verbalisation : on y dépose de la fatigue, des échecs, des déceptions, mais aussi des aspirations enfouies. Il devient un espace tiers, ni thérapie, ni coaching pur, mais un moment de dialogue sincère avec soi-même, guidé par un professionnel. Un sas de décompression, un lieu de reconstruction narrative.

Peut-on parler de bilan de compétences thérapeutique ?

Des effets psychologiques comparables à une thérapie ?

Plusieurs bénéficiaires témoignent d’un apaisement, d’une redynamisation, voire d’une transformation personnelle à l’issue d’un bilan de compétences. Ce qu’ils retrouvent ? Un sentiment d’efficacité personnelle (cf. Albert Bandura), une meilleure estime de soi, une capacité nouvelle à faire des choix.

Les apports des TCC (Thérapies Cognitives et Comportementales) sont éclairants ici :

  • Le recadrage cognitif (identifier et modifier ses croyances limitantes),

  • L’exposition graduée au changement (envisager une reconversion étape par étape),

  • L’auto-renforcement positif (valider ses réussites passées).

Le bilan devient alors un dispositif de réhabilitation, une manière de se remettre debout dans son rapport au travail.

L’approche systémique : revisiter ses relations au travail

Du côté de l’approche systémique, le bilan est aussi l’occasion de revisiter les dynamiques relationnelles qui ont marqué le parcours professionnel :

  • Schémas répétitifs (ex : toujours en conflit avec l’autorité),

  • Loyautés invisibles (ex : rester dans un métier pour « ne pas trahir » sa famille),

  • Identifications problématiques (ex : se définir uniquement par la performance).

Le bilan, dans cette perspective, est une mise en lumière des fonctionnements profonds, un levier de décentration et de reconfiguration des choix professionnels en cohérence avec ses valeurs.

Quelles limites à cette fonction « thérapeutique » ?

Le risque de confusion des rôles

Attention toutefois : le bilan de compétences n’est pas une psychothérapie. L’accompagnant n’a ni les outils ni le cadre pour traiter des traumatismes ou des pathologies psychiques. Il peut accompagner un mal-être, pas une souffrance clinique.

C’est pourquoi il est essentiel de poser un cadre clair dès le départ : ce que le bilan permet, et ce qu’il ne permet pas. L’accompagnant peut orienter vers un professionnel de santé mentale si nécessaire.

Les compétences de l’accompagnant

Cette dimension « psychologique » du bilan de compétences interroge aussi la posture de l’accompagnant : a-t-il été formé à l’écoute, à la gestion des émotions, à l’analyse systémique ? Est-il supervisé ? A-t-il un lieu pour déposer ce que le bénéficiaire lui confie ?

Le risque, sinon, est de glisser vers des pratiques non contenues, ou d’instrumentaliser le bilan à des fins qui dépassent sa mission initiale.

Vers une hybridation des pratiques : quelle place pour les bilans dans l’écosystème du soin ?

De nouveaux besoins, de nouvelles réponses

Face à la complexité des parcours professionnels, des approches hybrides émergent. Bien que non normées, répondent à une demande de plus en plus forte de globalité, de sens, d’alignement. Elles proposent de traiter non seulement les compétences, mais aussi les blessures, les deuils professionnels, les transitions de vie.

Quelle éthique pour ces accompagnements à la frontière ?

Mais cela pose des enjeux d’éthique et de responsabilité :

  • Comment éviter les dérives (pseudo-coaching, promesses de transformation rapide) ?

  • Quelle formation pour les professionnels ?

  • Comment garantir la sécurité psychique du bénéficiaire ?

Une réponse possible réside dans la co-construction d’un cadre clair et partagé, l’intervision entre pairs, et une meilleure reconnaissance de la dimension psycho-sociale du travail.

Conclusion : un espace de relecture plus qu’un simple outil

Le bilan de compétences, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui dans de nombreuses structures, dépasse largement sa fonction initiale d’orientation. Il est souvent un espace de relecture, de pacification, voire de réparation. Pour certains, il marque le début d’une nouvelle trajectoire. Pour d’autres, il aide à comprendre et digérer l’ancienne.

S’il n’est pas une thérapie, il peut néanmoins avoir des effets thérapeutiques, à condition d’être encadré, conscient, éthique.

Et si l’avenir des bilans de compétences résidait justement dans cette capacité à naviguer entre les sphères du professionnel et de l’intime, pour accompagner l’humain dans toutes ses dimensions ?

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